Depuis de nombreuses années, la Ville de Dudelange réunit autour d’une table les représentants des entreprises locales et régionales, de la Fédération des commerçants et artisans de Dudelange et de l’Agence pour le développement de l’emploi. L’objectif de cette initiative: créer et soutenir un échange dynamique entre le monde politique et les acteurs du tissu économique local. Ce jeudi 9 juillet 2020 a eu lieu la 19ème édition de cette table ronde. Si en temps normal, cet événement a lieu tous les 2 ans, il était évident pour le collège des bourgmestre et échevins de la ville de convoquer cette année une édition spéciale où seraient analysées les conséquences et les contraintes économiques et structurelles liées à la crise du Covid-19.
Cette table ronde fut ainsi tout naturellement l’occasion d’inviter le ministre de l’Économie, Franz Fayot et Isabelle Schlesser, directrice de l’ADEM.
Dudelange sur tous les fronts
Ce fut au bourgmestre de la Ville, Dan Biancalana, de prononcer le premier son allocution de bienvenue et de dresser un aperçu de l’impact de la crise sanitaire sur l’économie locale et des mesures prises par la Ville de Dudelange. Il a souligné en effet les nombreuses actions entreprises par la ville pour assurer la continuation des services indispensables aux citoyens et pour prendre soin de ses habitants, en particulier des plus fragiles d’entre eux, les personnes âgées et/ou vulnérables (Service d’aide aux courses, ligne téléphonique de soutien psychologique, etc.).
« L’appui de la ville aux commerçants a été particulièrement soutenu dès le début du confinement et se poursuit aujourd’hui encore », a-t-il souligné. La ville a en effet incité ses habitants, surtout par le biais des réseaux sociaux, à consommer local et à soutenir ainsi à leur façon leurs commerçants. La plateforme «mäindiddeleng », initiée par l’association des commerçants et soutenu par la ville a, quant à elle, récolté 60 000€ sous forme de dons et de bons d’achat. Ce soutien au commerce local est amené à se poursuivre : cette table ronde s’est en effet déroulée à la veille du vote par le conseil communal d’une enveloppe de 300 000€ destinée à éditer des bons d’achat à destination des habitants de la ville, à échanger dans les commerces locaux.
Dan Biancalana a ensuite évoqué l’impact de la crise sur les finances communales : les recettes ont diminué de 12,6 millions d’euros. Le défi qui se présente est de taille : Dudelange continue de se développer, le quartier Lenkeschléi s’apprête à accueillir ses élèves dans son nouveau complexe scolaire, la structure publique au quartier Italie est elle aussi en cours de construction, la piscine en plein air est en pleine rénovation et nombre de grands projets sont en cours de planification s’ils ne sont pas déjà en cours de construction. La diminution des recettes d’une part et la poursuite des projets de l’autre constitue un véritable défi que la ville doit d’apprêter à relever.
Un pays en résilience
Le ministre de l’Économie, Franz Fayot, a ensuite pris la parole pour souligner l’importance des décisions prises par le gouvernement pendant la crise du COVID. Le 1er mars a été lancé le premier plan de stabilisation de l’économie luxembourgeoise : d’une hauteur de 11 milliards d’euros, soit 17% du PIB national, il a constitué le plan le plus ambitieux des pays européens, voire du monde. Mais c’était pour Franz Fayot une réponse appropriée à court terme à une crise sans précédent. Le choc de la crise fut en effet rude à la fois pour l’offre et pour la demande, notamment pour l’industrie et le secteur Horesca.
« « Résilience », le mot qui qualifie le mieux la réaction du Luxembourg à cette crise: réagir en allant de l’avant, en trouvant des solutions et en se projetant vers l’avenir, une réaction inscrite dans l’ADN de notre pays » a déclaré le ministre. « L’histoire de notre pays l’a prouvé à maintes reprises », a-t-il ajouté, comme pour la période entre 1975 et 1985 où, après la crise sidérurgique, le Luxembourg a réussi sa transition vers une économie de service tout en préservant son tissu industriel.
La transformation digitale alliée au « green deal » (« l’économie verte ») doit à présent être l’objectif à viser, à l’instar de la politique européenne. Les investissements en termes de digitalisation ont d’ores et déjà porté leurs fruits puisque grâce à eux, le télétravail a pu se dérouler sans encombre dans les institutions publiques et privées durant le confinement. Le télétravail qui doit par ailleurs être une piste à poursuivre et à institutionnaliser. Elle a également permis les consultations médicales à distance et nombre de procédures judiciaires.
Le lancement du « Neistart Lëtzebuerg » (le pack de nouveau départ) fin mai permet également la mise en place de mesures en faveur des entreprises, pour les soutenir justement dans le développement de leur digitalisation et celle de leur efficacité énergétique. Des projets de transformation numérique des entreprises Goodyear et Husky sur le territoire de la ville de Dudelange prouvent déjà l’efficacité de telles mesures. Enfin, et toujours en ce qui concerne Dudelange, le ministre a encore souligné les succès de projets tels que la plateforme digitale Letzshop – auquel le city manager de la ville prend activement part et dont les utilisateurs ont quadruplé pendant le confinement-, le projet NeiSchmelz à émission neutre en CO2 ou encore l’incubateur pour starts-up du domaine de l’écotechnologie.
Des chiffres inquiétants mais un espoir de relance de l’emploi
Isabelle Schlesser, à la tête de l’Agence pour le Développement de l’Emploi, a d’abord présenté quelques données sur l’emploi à Luxembourg : 45% des emplois sont occupés par des travailleurs frontaliers, seulement 25% des emplois sont occupés par des résidents du Luxembourg de nationalité luxembourgeoise, ce qui constitue un cas unique en Europe. Au total, 470 000 personnes sont salariées au Luxembourg. La croissance annuelle de l’emploi à Luxembourg en temps normal est de 3% par an, un chiffre très élevé en comparaison des autres pays européens. Mais elle n’est bien sûr pas égale dans tous les secteurs : les activités immobilières sont en tête avec 11% de croissance en matière d’emplois, suivis des secteurs du commerce, de l’administration publique, de la santé et de l’action sociale, de la construction et de l’enseignement. En tous les cas, telle était la réalité du marché fin 2019.
A la mi-2020, la situation avait bien sûr changé, même si sur une année, on observe toujours une croissance de l’emploi. Au mois de mai, le taux de chômage s’élevait à 7%, soit 20 000 demandeurs d’emplois résidents, une augmentation de 33% par rapport au mois de mai 2019. Cette hausse n’est pas due à l’augmentation des inscriptions à l’ADEM, mais à la diminution des sorties.
Comme dans la majeure partie des crises, ce sont les jeunes de moins de 25 ans qui furent les premières victimes de la crise (+60% sur un an). Car ce sont eux qui occupent la majorité des emplois à durée déterminée qui ne sont pas renouvelés en temps de crise. D’après Isabelle Schlesser, l’une des solutions réside dans l’apprentissage.
Le chômage de longue durée a également payé un lourd tribut à la crise : 42% des demandeurs d’emplois sont des chômeurs de longue durée (inscription de plus de 12 mois), 60% de ces chômeurs ont plus de 45 ans. Or, cette situation est amenée à s’aggraver encore des suites de la crise, car dès lors que la situation économique s’améliore, ce sont les jeunes qui en bénéficient.
Le chômage partiel comme sauveteur d’emplois
La possibilité pour les entreprises de faire bénéficier leurs salariés du chômage partiel a sans aucun doute sauvé d’innombrables emplois et permis de conserver les compétences au sein des entreprises. Plus de 148 000 salariés ont bénéficié du chômage partiel, soit 14 000 entreprises différentes. Les secteurs de la construction et de l’Horesca ont bien entendu été les plus touchés. 90% de leur personnel étaient au chômage partiel pendant la crise. Au total, 44% des salariés au Luxembourg (hors fonction publique) bénéficiaient des mesures de chômage partiel au mois d’avril 2020.
Pour conclure sur une note plus positive, la directrice de l’ADEM a mentionnée que l’indicateur le plus intéressant dans la situation actuelle était la déclaration des emplois vacants par les entreprises. Ces derniers étaient au nombre de 1900 en avril, 2300 en mai (soit +21%) et plus de 3000 au mois de juin, soit encore une augmentation de près de 30% ! Même si la prudence est de mise, un tiers de ces emplois étant des contrats courts. Ici aussi, le type de profil recherché est en voie d’évolution pour s’adapter à la digitalisation en marche. La formation est donc primordiale ! Après ces prises de paroles successives, ce fut au tour des chefs d’entreprises, commerçants et artisans de pouvoir poser à huis clos leurs questions et de débattre avec les personnalités présentes.